mardi 22 octobre 2024

Dernier bateau pour l'Amérique (Karine Lambert)

Editions Hachette Fictions
Collection "La Belle étoile"
352 pages
21,90 euros

 
4ème de couverture
 
On a bien failli le rater, ce bateau de la dernière chance. On nous a prévenues à 6 heures du matin que le Serpa Pinto avait enfin accosté au vieux port. Nous avons rassemblé nos affaires à la hâte et nous sommes parties avec les valises et les paquets à travers les rues sinueuses de Marseille, soufflant, trébuchant, courant comme des poules sans tête. Les passants nous regardaient ébahis. Moi je craignais qu’on se trompe de direction. J’ai découvert le navire en deux temps. D’abord l’odeur de la fumée. Puis en arrivant sur le quai, l’immense coque noire et les trois cheminées rouges alignées. Il était sur le point de larguer les amarres. Valia a crié : « Attendez-nous ! »
 
 
Mon avis
 
Dans son dernier roman, l'auteure nous invite à un voyage aussi personnel qu’émouvant à travers les méandres d'une histoire familiale marquée par l'exil, la guerre et la quête d'identité. Au cœur de ce récit, une femme, Karine, cherche à comprendre les origines de la distance avec sa mère, Germaine Schamisso, une pianiste prodige née en Belgique dans une famille juive russe. Ce manque de lien maternel hante la narratrice, qui décide de remonter le fil du passé après la mort de cette mère avec laquelle elle a perdu tout contact.

C’est un véritable puzzle qu’elle tente de reconstituer, une enquête sur ses racines et sur ce qui a conduit sa famille à fuir l'Europe ravagée par la guerre. En alternant les chapitres qui nous plongent à la fois dans le passé et le présent, l’auteure déterre des histoires sombres, se documente et remplit les vides. Germaine, enfant réfugiée, est emportée dans une fuite éperdue vers la France, puis New York, avant de revenir en Belgique. Malgré les horreurs de la guerre et la perte de repères, il subsiste toujours cette étincelle d'espoir, cette soif de liberté.

La structure narrative ajoute une profondeur supplémentaire à cette histoire. Deux époques, 2 histoires différentes mais oh combien liées.

Le récit de Karine Lambert, tout en pudeur et en émotion, nous immerge dans la complexité des relations familiales et les blessures invisibles qu’elles peuvent laisser. La beauté de l’écriture, aussi délicate qu’intense, nous fait ressentir pleinement le poids des silences, des non-dits, et l’importance de la transmission des histoires familiales, aussi douloureuses soient-elles.

Un roman à la fois intime et universel, qui touche au cœur et invite à réfléchir sur nos propres liens familiaux, nos origines, et la résilience face aux épreuves de la vie. Un hymne à la mémoire et à la force de l’esprit humain, sublimé par une plume magnifique et authentique.
 
 
Ma note
 
17/20

lundi 14 octobre 2024

Rouge métro (Claudine Galéa)

 
  Editions du Rouergue
111 pages
8,10 euros
 
 
4ème de couverture
 
Sa mère lui dit, tu finiras par oublier. Sûrement pas. Comme si Cerise pouvait oublier ce qui s'est passé ce soir-là, entre Mairie de Montreuil et République. Elle portait une robe neuve, rouge. Son amie Clara l'avait invitée à passer la soirée chez elle et son père lui avait fait promettre de rentrer avant la nuit. 
 
Quand elle voit monter dans la rame cet homme immense aux yeux verts, Cerise ne peut pas dire pourquoi, mais elle sait que quelque chose ne va pas avec lui. Depuis longtemps, dans le métro, les discours des sans-abri la mettent à l'envers. Elle ne s'habitue pas à ce qu'il y ait des gens aussi seuls, aussi abandonnés. Elle ne veut pas voir le monde comme ça. 
 
Zyeux Verts répète que l'été, c'est l'enfer, l'enfer. Personne ne fait attention à lui. Sauf elle. Le matin déjà, à l'aller, il était là avec son enfer. Mais ce soir, elle n'a qu'une envie, c'est qu'il sorte de la rame. Cerise sait que cet homme est au bout, et que ce soir, dans le métro, ils sont tous au bout. 
 
 
Mon avis
 
Il est rare qu’un livre parvienne à capturer avec autant d’intensité la vie urbaine, les voix oubliées et les regards invisibles. Dans son court roman, Cerise nous entraîne dans les profondeurs du métro parisien, un microcosme vibrant de vie et de récits humains.

Cerise, la protagoniste, est fascinée par les conversations des passagers. Elle n’est pas une simple observatrice ; elle est une écoute, une épaule attentive pour des voix souvent étouffées par le bruit de la ville. Parmi ces voix, celle de "Zyeux Verts", un SDF, résonne particulièrement. Ce matin-là, son discours sur les horreurs de la vie dans la rue bouleverse Cerise, révélant une douleur et une détresse que la société préfère ignorer.

Mais la magie de ce roman réside dans la transformation de Zyeux Verts, que Cerise croise à nouveau le soir. Sa colère et son désespoir sont palpables, presque contagieux. Ce moment de tension fait ressortir une vérité difficile à affronter : la souffrance d’autrui peut être un poids lourd à porter, même pour ceux qui veulent comprendre. La peur de Cerise est palpable... Son ressenti était juste!

L’auteur nous fait naviguer entre le présent et le passé de Cerise, chaque détail minutieusement ciselé, chaque émotion magnifiquement dépeinte. Ce style simple et direct rend le récit accessible, même pour les lecteurs les moins aguerris, tout en maintenant un suspense haletant jusqu’à la dernière page où l'on découvre ce qui va bouleverser la vie de Cerise à jamais!

Ce roman, bien plus qu’une simple histoire sombre, est une leçon de vie. Il nous pousse à réfléchir sur notre rapport aux autres, sur notre capacité à écouter et à voir au-delà des apparences. Dans un monde où chacun court, souvent insensible aux cris silencieux de l’autre, cette œuvre nous rappelle l’importance de l’empathie et de la présence.

À découvrir absolument, ce livre nous invite à plonger dans l’humanité, à redécouvrir les voix qui se cachent derrière les regards. Cerise et Zyeux Verts deviennent ainsi les porte-voix d’un monde que nous avons trop souvent tendance à ignorer. Un moment de lecture intense et nécessaire qui ne laisse pas indifférent.
 
 
Ma note
 
16/20

dimanche 13 octobre 2024

Le tombeau du diable (Eric Bony)

Editions City
446 pages
19,50 euros

 
4ème de couverture
 
Journaliste au magazine Enigm, Thomas Cazan a réussi à décrocher un rendez-vous avec le propriétaire du fameux médaillon de Mandrin, un bijou "maudit" depuis le 18ème siècle. La rencontre tourne court lorsque le propriétaire du pendentif est retrouvé assassiné. 
 
Accusé de meurtre et de vol, Thomas n'a d'autre choix que de mener sa propre enquête pour prouver son innocence. Il doit percer le secret du médaillon qui révélerait l'emplacement du "Tombeau du diable" et de son mythique trésor. 
 
Face à de redoutables ennemis qui semblent toujours avoir une longueur d'avance, une terrible course contre la montre s'engage. Diabolique...
 
 
Mon avis
 
Le thriller est un genre que j'affectionne particulièrement, mais l'ésotérisme et son aspect historique m'attirent moins. Je crains souvent de me noyer dans une multitude de dates et de détails. Quelle ne fut donc pas ma surprise lors de cette lecture, où l'auteur réussit à éviter de se perdre dans des descriptions trop lourdes ! Les éléments historiques sont savamment dosés, permettant de comprendre le récit sans le rendre encombré. 
 
L'histoire débute à Paris, où nous faisons la connaissance de Thomas, un journaliste en conflit avec sa hiérarchie. Sa mission : photographier un bijou maudit. Cela semble passionnant, mais les événements prennent rapidement une tournure inattendue... 
 
Les personnages sont fascinants et bien développés. Thomas, avec son esprit audacieux et son penchant pour la confrontation, est particulièrement attachant. Madeleine et Marie, deux sœurs élevées dans une rivalité farouche, ajoutent une dimension intrigante, tout comme Balbek, un père prêt à tout pour atteindre ses objectifs. 
 
La plume de l'auteur est à la fois légère et percutante, captivant le lecteur sans ménagement. Les scènes intenses, mêlées à des rebondissements incessants, maintiennent un rythme palpitant. J'ai cependant ressenti une appréhension dès les premières lignes, un début trop lent à mon goût. Heureusement, l'auteur ne laisse pas cette impression perdurer ! Le dénouement, inimaginable, s'avère être une belle surprise. 
 
L'intrigue, bien que simple, est efficace. L'auteur a choisi de structurer son récit en alternant entre deux intrigues qui se rejoignent à un moment crucial, ajoutant une dimension captivante qui tient le lecteur en haleine. 
 
En somme, ce thriller ésotérique, doté d'une couverture sublime, intrigante et angoissante, explore le mal sous ses diverses formes, culminant dans la folie humaine. C'est un récit addictif, à lire sans hésitation ! Un auteur prometteur à suivre, qui pourrait rapidement se faire une place parmi les grands du genre. 
 
 
Ma note
 
18/20 

samedi 12 octobre 2024

Tenir debout (Mélissa Da Costa)

 Editions Albin Michel
608 pages
22.90 euros


4ème de couverture

Jusqu'où peut-on aimer? Jusqu'à s'oublier...

Le nouveau roman de Mélissa Da Costa nous plonge au coeur de l'intimité d'un couple en miettes et affronte, avec une force inouïe, la réalité de l'amour, du désespoir, et la soif de vivre, malgré les épreuves.
 
 
Mon avis
 
A travers son roman, l'auteure nous plonge dans la vie tourmentée de François, un comédien autrefois adulé, qui voit sa vie bouleversée du jour au lendemain à la suite d'un accident de scooter qui va le laisser paralysé. Désormais prisonnier de son propre corps, il doit faire face à une nouvelle réalité où il a perdu tout contrôle. Sa compagne, Éléonore, bien plus jeune que lui se retrouve déchirée entre l'amour qu'elle lui porte et les incertitudes de l'avenir. Entre espoir et colère, leur relation vacille sous le poids des épreuves, les poussant à redéfinir leur amour et leur place dans cette nouvelle vie. Mais quel va être le déclencher de celle-ci?
 
Avec Tenir debout, Mélissa Da Costa nous plonge dans un récit poignant où les émotions s’entrechoquent. Avec une plume juste et sensible, elle pousse le lecteur dans ses retranchements car elle ne lui cache rien. Elle dépeint, avec une sensibilité rare, la manière dont le handicap déforme les corps, mais aussi les esprits. Les personnages, magnifiquement construits, nous touchent par leur humanité et leurs dilemmes profonds.
 
Le roman aborde des thèmes universels avec une justesse déconcertante : comment continuer à aimer quand tout semble s’effondrer ? Comment trouver la force de se redéfinir quand l’avenir paraît compromis ? À travers des pages chargées de tension et d’émotion, l'auteure nous offre une réflexion sur la résilience et la puissance de l’amour face à l’adversité.
 
Les personnages sont tous plus attachants les uns que les autres. Quant aux personnages secondaires, comme Isabelle, l’ex-femme de François, ou Madeleine, la grand-mère d’Éléonore, apportent une dimension supplémentaire, chacun jouant un rôle clé dans cet équilibre fragile. Ce sont des héros invisibles du quotidien, qui enrichissent le récit de leurs présences lumineuses.
 
Tenir debout n’est pas seulement une histoire d’amour : c’est un roman magistral qui interroge nos propres blessures, nos failles, et notre capacité à tenir debout malgré les tempêtes de la vie. Mélissa Da Costa signe ici une œuvre puissante, bouleversante, et essentielle que je ne peux que vous conseiller de découvrir rapidement.


Ma note
 
18/20

mercredi 21 août 2024

Chasseurs de têtes (Michel Crespy)

 Editions Gallimard
351 pages
Plus édités


4ème de couverture

« Votre profil est susceptible de nous intéresser. Voulez-vous prendre contact avec nous ? »

Cadre supérieur au chômage, Jérôme Carceville affronte ses premiers entretiens proposés par l'un des plus prestigieux cabinets de recrutement. Une batterie de tests, quelques pièges hardiment déjoués, et il est sélectionné pour l'épreuve finale : un jeu de rôle. Apparemment. Car c'est une machine infernale qui se met en marche, et la chasse aux talents se mue en sanglante chasse à l'homme.
 
 
Mon avis
 
En fouillant dans ma bibliothèque à la recherche d’un livre dont le titre comportait une partie du corps, je suis tombée sur un ouvrage que j’avais complètement oublié. Je ne l'avais jamais lu, bien qu'il ait remporté le grand prix de la littérature policière à l'époque où je l'avais acheté. Attirée par son titre et intriguée par sa présentation, j'ai finalement décidé de m’y plonger.

Dès les premières pages, le lecteur est immédiatement happé par l’histoire. L'intrigue se déroule principalement lors d'un stage de recrutement pour cadres de haut niveau. On sait dès le départ qu’un carnage va s’y produire, ce qui éveille instantanément la curiosité et pousse à formuler toutes sortes d'hypothèses.

Au fur et à mesure que l’histoire se déroule, j’ai été frappée par une certaine normalité. Alors que je m'attendais à une intrigue complexe et déroutante, les événements se déroulaient de manière presque banale. C’est cette normalité qui fait froid dans le dos, car l’histoire pourrait arriver à n'importe qui.

Le récit se déroule en huis clos, où 16 candidats sont envoyés sur une île isolée pour participer à un jeu de rôle. Répartis en trois équipes, ils doivent diriger une entreprise fictive de vente d'hameçons et surtout, remporter le combat économique qui les oppose. Tous les coups sont permis, et la montée de la haine et de la méchanceté devient palpable à chaque page tournée.

La tension ne fait que croître au fil du récit. Le suspense est omniprésent, avec des rebondissements incessants qui maintiennent le lecteur en haleine. C’est seulement à la fin du livre que j’ai compris : c’est précisément cette banalité, ce quotidien si ordinaire, qui conduit à une telle explosion de violence.

J’ai particulièrement apprécié la manière dont l’auteur dépeint le capitalisme, en évitant les stéréotypes habituels du genre policier. À travers une vision exagérée, il montre de quoi un cadre est capable pour atteindre ses objectifs, révélant toute la violence sous-jacente des relations humaines en entreprise.

Bien que le style général soit agréable, j’ai trouvé que le langage employé était parfois trop complexe et les explications trop longues, voire didactiques. Ces passages peuvent devenir lassants, malgré leur pertinence.

En définitive, ce qui ressort de ce livre, ce n’est pas tant le style ou le vocabulaire, mais la leçon de management et la vision honnête des relations humaines qu'il offre. Ce livre n’a pas été un coup de cœur, mais il n'a pas été une déception non plus. C’est une lecture intéressante que je recommande, ne serait-ce que pour la réflexion qu’elle suscite sur le monde de l’entreprise et ses excès.
 
 
Ma note
 
14/20

mardi 20 août 2024

Sa majesté Léa (Gilles Horiac)

160 pages
10 euros

 
4ème de couverture
 
Léa, 14 ans, adore regarder la télé, en particulier l'émission télévisée "Le Tribunal des Kids". Cette émission permet aux enfants d'intenter un procès plus vrai que nature contre leurs parents. Léa aimerait vraiment pouvoir en intenter un contre les siens. Elle estime ne pas être suffisamment libre et ne peut pas faire ce qu'elle veut. Pourtant, Léa est un véritable tyran avec tous les adultes qui l'entourent ainsi qu'avec toute personne représentant l'autorité. Ses parents n'ont plus le courage de l'affronter et la laissent donc faire ce qu'elle veut. De plus, Léa bénéficie du soutien de nombreuses associations qui militent pour "les droits de l'enfant". Grâce à leur aide et à de nombreux stratagèmes, elle réussira à faire enfermer sa mère et à envoyer son père en prison... Sans oublier qu'elle fait tout cela par vengeance. Léa pense être tranquille, mais ce ne sera pas aussi facile. L'assistante sociale va l'envoyer chez son oncle. Ce dernier habite une ferme sans réseau, sans ordinateur, ni télévision, mais également sans salle de bain ni toilettes comme on les connaît de nos jours. Comment Léa va-t-elle survivre sans son petit confort quotidien ?
 
 
Mon avis
 
Ce livre captivant aborde avec finesse et profondeur la thématique des enfants-rois, un sujet plus que jamais d'actualité dans notre société. En tant que parent, ce livre m'a profondément touché, me poussant à réfléchir sur ma manière de réagir face à ces situations délicates. Il met en lumière des questions essentielles sur l'autorité, les limites, et l'équilibre délicat entre amour et discipline.

Mais ce n'est pas seulement en tant que parent que ce livre m'a marqué. En tant que professionnelle de l'éducation, j'ai également été interpellée par les réflexions qu'il suscite. Trop souvent, nous avons tendance à juger des situations familiales que nous ne connaissons pas dans leur complexité. Ce livre nous invite à dépasser les jugements hâtifs et à voir les parents non pas comme des figures défaillantes, mais comme des êtres humains confrontés à des défis auxquels nous sommes tous, d'une manière ou d'une autre, liés.

L'auteur parvient à mêler vérité, humour décapant, et émotions avec une maestria rare. Chaque page est un mélange savoureux de réalisme et de sensibilité, qui nous rappelle que derrière chaque comportement difficile se cachent des réalités et des sentiments que nous ne devrions jamais ignorer.

En somme, ce livre est un chef-d'œuvre à l'état pur, une véritable leçon de vie qui mérite d'être lue par tous, que l'on soit parent, éducateur, ou simplement intéressé par les dynamiques familiales d'aujourd'hui. À découvrir absolument !
 
 
Ma note
 
19/20

dimanche 18 août 2024

Teri Hate Tua: l'épouvantable tortue rouge! (Jean-François Chabas)

 Editions Casterman
64 pages
Plus édités


4ème de couverture

Bébert, grand raconteur d'histoires hautes en couleur, est un vieux bourlingueur des mers qui lève volontiers le coude au café du port. Ce jour-là, il se souvient de ses vingt ans, et de quelle manière il avait alors triomphé de Teri-Hate-Tua, l'épouvantable tortue rouge, large comme un vaisseau de guerre, haute comme l'un de ces immeubles du Nouveau Monde... Quelques décennies plus tôt, Bébert s'échoue sur Bwaga, une île paradisiaque. Enfin, presque...Le peuple qui l'habite est cannibale ! Et Bébert ne doit qu'à sa chevelure blonde de ne pas passer à la casserole. Car quelques années auparavant, les insulaires ont mangé un missionnaire blond venu leur enseigner les bonnesmanières et la religion, et en ont été terriblement malades. Ils en ont donc déduit que tous les blonds sont impropres à la consommation. Imparable ! Du missionnaire, ils n'ont conservé qu'une grammaire irréprochable et un goût déroutant pour le langage châtié. Bébert passe donc ses dimanches en concours de dictée et autres jeux du dictionnaire ! Quel ennui, lui qui se régale de jurons et grossièretés en tout genre ! Mais voilà qu'entre en scène Teri-Hate-Tua, la terrible tortue écarlate et sanguinaire que vénère ce peuple des îles... 
 
 
Mon avis
 
Dans le monde vaste et varié de la littérature jeunesse, rares sont les livres qui parviennent à marier humour décalé, aventures maritimes et jeux de mots raffinés. Celui-ci se positionne fièrement parmi ces joyaux singuliers, offrant aux jeunes lecteurs une plongée fascinante dans un univers où les pirates côtoient des concours de dictée et où la bravoure se mesure à la taille d'une tortue vénérée.

Au cœur de cette histoire, nous découvrons Bébert, un vieux marin au passé chargé d'aventures et de drames. Depuis son embarquement à 20 ans sur un baleinier jusqu'à son unique survie après un naufrage dévastateur, Bébert a traversé bien des épreuves. Mais la plus redoutable de toutes semble être sa rencontre avec Teri Hate-Tua, une gigantesque tortue vénérée par le peuple de l'île de Bwaga.

Le contraste entre le monde rugueux et impitoyable de Bébert et le calme particulier des habitants de Bwaga est frappant. Ces derniers, parlant un français impeccable, passent leurs journées à organiser des concours de dictée et à jouer avec les mots. Dans un tel environnement, les jurons et les grossièretés de Bébert semblent d'autant plus déplacés, ce qui alimente les situations cocasses et les quiproquos.

Teri Hate-Tua, l’objet de tous les superstitions et craintes des habitants de l’île, est une véritable force de la nature. Vénérée par le peuple pour la protection qu'ils croient obtenir en la laissant en paix, elle devient l'obsession de Bébert, qui en a assez de cette tortue imposante et malodorante. Sa quête pour se débarrasser de cette créature sacrée est semée d'embûches, car le peuple de Bwaga s’oppose farouchement à toute tentative de la mettre à bas.

Le livre, d’une simplicité volontaire dans son vocabulaire et sa formulation, se révèle être une lecture idéale pour les jeunes à partir de 8 ans. Sa brièveté et son rythme entraînant en font un compagnon parfait pour les jeunes aventuriers en herbe. Les échanges humoristiques entre Bébert et les habitants de l'île, enrichis par des références subtiles à des chansons de Brassens, ajoutent une couche supplémentaire de plaisir pour les lecteurs adultes.

Bien que ce roman ne constitue pas un coup de cœur transcendant, il n'en reste pas moins une œuvre divertissante et astucieuse. Il parvient à captiver son jeune public tout en offrant aux adultes un clin d'œil agréable. Ce récit est ainsi une belle manière d’introduire les jeunes lecteurs au monde des pirates et des navigateurs, tout en leur offrant une bonne dose de rires et de réflexion sur la langue et ses jeux. Un livre que l’on referme avec le sourire, satisfait d’avoir partagé un moment d’aventure et de fantaisie.
 
 
Ma note
 
14/20